Un accord de coopération Rwanda-UE sur les matières premières, dénoncé en RDC, défendu par Bruxelles

Un accord de coopération sur les matières premières signé entre le Rwanda et l’Union européenne (UE) le 19 février 2024 est critiqué en République démocratique du Congo (RDC). La RDC dénonce le pillage des minerais congolais depuis plus de 20 ans par certains pays étrangers, dont le Rwanda. Du côté UE, Bruxelles défend cet accord et rappelle avoir condamné à de nombreuses reprises le comportement des différents acteurs face aux groupes armés dans l’est de la RDC.

 

En République démocratique du Congo (RDC), un accord de coopération sur les matières premières signé entre le Rwanda et l’Union européenne (UE) fait grincer des dents, rapporte notre correspondante à Goma, Coralie Pierret. Depuis sa signature le 19 février 2024, les prises de position contre ce mémorandum se multiplient et dénoncent le pillage des minerais congolais depuis plus de 20 ans par certains pays étrangers, dont le Rwanda. L’armée rwandaise, qui est d’ailleurs accusée par plusieurs chancelleries occidentales et l’ONU, de participer à la déstabilisation de l’est de la RDC et d’avoir des troupes sur le sol congolais en appui aux rebelles du M23.

C’est la Lucha, ce 21 février 2024, qui a ouvert le bal des déclarations. Dans une lettre, le mouvement citoyen s’indigne « face au soutien inconditionnel que l’Union européenne apporte au Rwanda ».

« Le sous-sol rwandais ne regorge pas de ces matériaux »

En début de semaine, a été signé à Kigali un plan d’investissement européen sur les matières premières. Un protocole d’accord du même ordre avait été conclu entre l’UE et la RDC en octobre dernier. L’objectif est notamment de « développer les compétences dans le secteur minier et améliorer la transparence et la traçabilité ». Sont concernés notamment le tantale et le niobium, deux métaux autrement appelé coltan, stratégiques pour la fabrication des technologies modernes dont les smartphones ou les ordinateurs.

Or, selon Kinshasa, « le sous-sol rwandais ne regorge pas de ces matériaux », lit-on dans un communiqué du 21 février, « et tire ses minerais de la RDC ». Le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, fait état sur le réseau social X d’une contradiction entre la signature de cet accord et les valeurs de l’Union européenne, notamment autour de la défense des droits humains.

Le ministère congolais des Affaires étrangères ne décolère pas non plus, à travers un communiqué daté du 21 février : « Le gouvernement attend des autorités de l’Union Européenne une clarification de ce comportement ambigu alors qu’elles ne cessent d’affirmer leur volonté de contribuer à la fin de la crise sécuritaire à l’Est du Congo ainsi que de l’exploitation illicite de ses richesses naturelles. »

Le Prix Nobel de la paix 2018, le Congolais Denis Mukwege, rappelle que le conflit à l’est de la RDC est principalement économique et que l’exploitation ou le commerce illicite des minerais est reconnu comme une cause profonde de la violence.

« L’Union européenne est toujours un acteur objectif »

De son côté, l’UE réfute toute mauvaise intention de sa part, rapporte notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. Elle affirme l’utilité de l’accord, tout en condamnant l’action des groupes armés dans l’Est de la RDC.

« L’Union européenne est toujours un acteur objectif », rétorque ce 22 février la commission. Selon Peter Stano, le porte-parole de Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, l’UE « ne prend pas parti », elle a toujours eu une approche équilibrée, elle a condamné à de nombreuses reprises le comportement des différents acteurs face aux groupes armés dans l’est de la RDC.

« Il existe plus de 100 groupes armés dans l’Est de la République démocratique du Congo, rappelle Peter Stano. Nous avons souligné à plusieurs reprises l’obligation pour tous les États de la région de cesser tout soutien direct ou indirect à ces groupes armés. Mais aussi, nous avons effectué une action décisive : nous avons mis en place un régime restrictif, ça veut dire un cadre de sanctions qui nous permettent de cibler les acteurs impliqués dans des violations graves des droits de l’homme, dans l’obstruction de processus électoral et aussi dans les conflits armés ».

Et l’Union européenne défend l’accord signé lundi avec le Rwanda et incriminé par le gouvernement congolais. À travers son programme baptisé « Portail mondial », l’UE se dit prête à travailler avec les partenaires prêts à s’engager sur des projets « durables et responsables », comme l’accord avec le Rwanda qui permet la fourniture de ce que les Européens classent parmi les matières premières critiques.


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