Libye : un « cessez-le-feu permanent » signé avec effet immédiat

Après cinq jours de discussions organisés à Genève, les deux parties se sont entendues sur un « cessez-le-feu complet, national et permanent ».

 

Un tournant décisif pour la paix. Les deux parties rivales en Libye ont signé vendredi un accord de cessez-le-feu permanent avec « effet immédiat », après cinq jours de discussions à Genève organisées sous l'égide de l'ONU. « Aujourd'hui est un bon jour pour le peuple libyen. Les deux délégations libyennes […] ont signé un accord de cessez-le-feu complet, national et permanent avec effet immédiat » au siège de l'ONU à Genève, a déclaré Stephanie Williams, cheffe par intérim de la Mission d'appui de l'ONU en Libye (Manul).

Plongée dans le chaos depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye est déchirée aujourd'hui entre deux pouvoirs rivaux : le Gouvernement d'union nationale (GNA), reconnu par l'ONU et basé à Tripoli, et les autorités de l'Est alliées du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est soutenu par une partie du Parlement élu et son président, Aguila Saleh. Les deux parties ont des parrains internationaux. Alors que le maréchal Haftar est soutenu militairement par l'Égypte, la Russie et les Émirats arabes unis, le GNA de Fayez al-Sarraj reçoit lui l'appui de la Turquie.

Tous les mercenaires et combattants étrangers quitteront le territoire d'ici trois mois

Les deux parties sont convenues que « toutes les unités militaires et les groupes armés sur la ligne de front doivent retourner dans leurs camps », a ajouté Stephanie Williams. Cela sera « accompagné du départ de tous les mercenaires et combattants étrangers de tout le territoire libyen, terre, air et mer, dans un délai maximum de trois mois à partir d'aujourd'hui », a-t-elle encore dit.

Depuis l'annonce des deux rivaux libyens en août de la cessation des hostilités, les négociations interlibyennes se sont accélérées ces dernières semaines en vue de définir les conditions d'un cessez-le-feu durable. D'avril 2019 à juin 2020, le maréchal Haftar a tenté de conquérir militairement Tripoli, sans succès. Ces combats ont fait des centaines de morts et poussé à la fuite des dizaines de milliers de personnes. Pour la population, épuisée par les combats et les divisions, ce cessez-le-feu permanent est une lueur d'espoir.

Les doutes de la Turquie

Aux yeux de l'analyste libyen Mohamed Eljarh, la signature de cet accord de cessez-le-feu est un « aboutissement fructueux » des efforts déployés par l'ONU et la commission militaire conjointe réunie à Genève, avec cinq membres représentant le GNA et cinq autres le maréchal Haftar. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a salué « une étape fondamentale vers la paix et la stabilité en Libye », appelant « les acteurs régionaux à respecter les dispositions de l'accord de cessez-le-feu et de s'assurer de son application sans retard », lors d'une conférence de presse au siège de l'ONU à New York. « Car le diable est dans les détails… dans la mise en œuvre », a souligné Mohamed Eljarh.

La Turquie, acteur clé en Libye par son soutien militaire au GNA, a ainsi mis en doute vendredi la viabilité du cessez-le-feu entre les belligérants. « L'accord de cessez-le-feu de ce jour n'a pas été conclu au plus haut niveau mais à un niveau moindre », a déclaré M. Erdogan à des journalistes à Istanbul. « Pour moi, [cet accord] semble manquer de crédibilité », a-t-il ajouté.

Un « premier succès décisif »

De son côté, l'Union européenne a salué comme une « bonne nouvelle » l'annonce du cessez-le-feu, « mais sa mise en œuvre est aussi importante, car elle sera la clef pour la reprise des négociations politiques », a déclaré Peter Stano, le porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. La diplomatie française a salué aussi l'accord qui « montre l'aspiration de tous les Libyens à la souveraineté, face aux ingérences extérieures ». « Cet accord marque une étape importante vers une Libye souveraine, stable et unie », a ajouté la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Agnès von der Mühll. Pour l'Allemagne, en première ligne dans la recherche d'un règlement politique du conflit en Libye, c'est un « premier succès décisif », a réagi le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, qui voit dans cet accord « une bonne base pour le développement prochain d'une solution politique ».

L'Italie, ancienne puissance coloniale en Libye, a qualifié cet accord de « tournant d'une importance cruciale pour la stabilité de la Libye ». Et dans une première réaction libyenne, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj a salué le rôle de la Manul dans l'aboutissement de cet accord pour « une paix basée sur la justice et des garanties qui éloignent le spectre de la guerre et des troubles dans notre pays ». Du côté des États-Unis, on salue aussi l'avancée. « L'accord est un progrès majeur vers la réalisation des intérêts qu'ont tous les Libyens à la désescalade, la stabilité et le départ des combattants étrangers », indique un communiqué de l'ambassade des États-Unis en Libye, pays en proie au chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. « Nous exhortons les acteurs intérieurs et extérieurs à soutenir la mise en œuvre de bonne foi de l'accord », précise le communiqué.


Vous avez aimé cet article ? Partagez-le ...

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre commentaire sera publié après validation.