Record du Dow Jones : l'euphorie de la Bourse américaine en pleine pandémie

L’indice Dow Jones a dépassé, mardi, pour la première fois de sa longue histoire, la barre des 30 000 points. Un record dont Donald Trump s’est attribué le mérite un peu rapidement, alors qu’il reflète surtout l’optimisme retrouvé des investisseurs après les élections américaines et les annonces concernant les vaccins. Une euphorie boursière peut-être un peu prématurée.

 

Cela n’a duré qu’un peu plus d’une minute. Le président américain sortant, Donald Trump, a fait une brève apparition lors d’un point presse, mardi 24 novembre. Il ne s’était plus exprimé publiquement - à part sur Twitter - depuis plus de deux semaines. 

Mais ce n’était pas pour concéder sa défaite face à Joe Biden ou évoquer l’épidémie de Covid-19 et la crise économique. Donald Trump est sorti de son silence pour gloser autour d’un nombre : 30 000. Le Dow Jones, le principal indice boursier américain, venait, en effet, de franchir la barre historique des 30 000 points pour la première fois en 125 ans d’histoire.

Le “président des marchés financiers”

“C’est un chiffre sacré, 30 000. Personne n’avait jamais vu rien de tel”, a lancé le locataire de la Maison Blanche, qui a fait de la Bourse l’un des principaux baromètres du succès de son action présidentielle. “Je voulais en profiter pour féliciter tous ceux qui ont travaillé si dur dans notre administration”, a-t-il ajouté, suggérant que ce record historique était à mettre à son crédit.

 

Mais c’est, comme souvent avec Donald Trump, une version très alternative de la réalité. Il n’est, certes, pas étonnant qu’il essaie de s’en attribuer le mérite. Après tout, “il a été le président des marchés financiers”, souligne Alexandre Baradez, responsable des analyses économiques pour le cabinet de conseil financier IG, contacté par France 24. Si le Dow Jones a franchi, pour la première fois de son histoire, la barre des 20 000 points en 2017, c’était pour célébrer la baisse des taxes annoncée par l'administration Trump. Les investisseurs avaient compris que ce plan fiscal allait surtout profiter aux grandes entreprises et aux actionnaires.

Malheureusement pour le président sortant, le nouveau record battu par le Dow Jones n’a que peu à voir avec l’action de Donald Trump. “C’est un témoignage du sentiment des investisseurs que le mur des incertitudes a été franchi”, résume Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet Asset Management, contacté par France 24. 

Le moral retrouvé des investisseurs tient avant tout à l’horizon pandémique qui s’est éclairci après les annonces encourageantes concernant les vaccins contre le Covid-19. Pour les marchés “cela permet d’éloigner le spectre de reconfinements à répétition au gré d’éventuelles prochaines vagues de contaminations qui auraient plombé encore un peu plus l’économie”, explique Alexandre Baradez.

Des résultats électoraux qui rassurent les investisseurs

La hausse du Dow Jones à des niveaux jamais atteints tient aussi au contexte politique américain et en particulier aux résultats des élections de novembre au Sénat. “On parle tout le temps de Biden et de Trump, mais les marchés ont surtout été rassurés par la probabilité que les républicains conservent la majorité au Sénat”, souligne Frédéric Rollin. C’est, pour les investisseurs, la garantie que la future administration démocrate ne pourra pas taxer les entreprises à tout-va sans se heurter à la résistance des sénateurs républicains.

Mais, même l’arrivée de Joe Biden au pouvoir semble satisfaire les marchés financiers américains, donnant tort à Donald Trump qui avait prédit que la Bourse “se désintègrerait” si le candidat démocrate gagnait l’élection présidentielle. Plus précisément, ils sont rassurés par le profil des futurs membres du gouvernement. L’arrivée probable au Trésor de l’ancienne patronne de la Fed, Janet Yellen, a tout particulièrement mis du baume au cœur des boursicoteurs, note le New York Times. La mise en place d’un vaste plan de soutien à l’économie “va nécessiter une coopération étroite entre le Trésor et la Banque centrale et Janet Yellen semble bien placée pour faciliter cette collaboration”, estime Frédéric Rollin.

Plus généralement, “Joe Biden semble vouloir s’entourer de vétérans de la politique aux compétences avérées dans leur domaine, tel que Janet Yellen ou John Kerry [le futur monsieur Climat du gouvernement américain, NDLR], ce qui va ramener une certaine normalité dans le jeu politique après les quatre années de la présidence Trump. Une tendance qui rassure les marchés”, résume Alexandre Baradez.

La pandémie a aussi été un révélateur pour certains investisseurs, souligne le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. “Les innovations technologiques, dans le domaine de l’intelligence artificielle, des énergies propres, du Big data, qui sont depuis longtemps porteuses de promesses ont prouvé qu’elles pouvaient servir à quelque chose de concret”, confirme Frédéric Rollin. Les vaccins développés par Moderna ou Pfizer reposent sur des technologies novatrices, tandis que les services de visioconférence ont prouvé qu’il était possible de faire évoluer les habitudes de travail. Sans compter les promesses des gouvernements du monde entier d’investir massivement dans les énergies renouvelables pour bâtir le monde de l’après pandémie. La hausse de la Bourse reflèterait aussi cette prise de conscience : les technologies les plus pointues ne sont plus seulement des paris sur l’avenir, mais elles ont déjà des applications immédiates.

Un possible contre-coup

Autant de signes qui, pour les investisseurs, démontrent que l’économie américaine est prête à repartir du bon pied. Mais pas avant la deuxième moitié de l’année prochaine, estiment les analystes interrogés par France 24. “Cette hausse traduit le fait que les investisseurs se projettent à six ou huit mois et sont optimistes sur ce qui attend l’économie américaine à cette échéance”, explique Frédéric Rollin. 

Une capacité de faire abstraction de la situation immédiate qui peut donner l’impression que les marchés financiers n’évoluent pas dans le même monde que le commun des mortels. Après tout, le Dow Jones a passé le cap des 30 000 points en pleine pandémie, alors que les États-Unis traversent une période de profonde récession avec un nombre de chômeurs qui a explosé.

“C’est sûr que l’euphorie des marchés semble un peu prématurée”, reconnaît Alexandre Baradez. Pour cet expert, c’est tout simplement parce que les marchés sont “accros à l’action de la Fed - qui soutient sans discontinuer l’activité en injectant de l’argent dans l’économie - et aux annonces sanitaires”. C’est ce qui leur permet de planer au dessus des considérations du reste de la population. Mais comme avec toute drogue, attention à la descente. Si dans les prochains mois, le scénario rêvé des investisseurs - des vaccins qui mettent fin à la pandémie et une économie qui repart à la hausse - ne se concrétise pas, le contre-coup boursier pourrait être violent.


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